Dégradations locatives : la Cour de cassation verrouille l’injonction de payer
Cass. 3e civ., 27 mars 2025, n° 23-21.501
1. Le contexte – un créancier pressé, une procédure expéditive
L’assureur, subrogé dans les droits d’un bailleur après indemnisation des dégradations laissées par ses locataires, avait choisi la procédure d’injonction de payer – rapide, peu coûteuse et sans audience – pour récupérer 8 240 € auprès des locataires. L’ordonnance fut rendue, mais ceux-ci formèrent opposition et soulevèrent l’irrecevabilité de la demande.
2. La question de droit – une créance « liquide » ?
La créance de réparations locatives, non fixée par le bail, peut-elle être recouvrée par injonction de payer ?
Points clés
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Article 1405 CPC : l’injonction de payer n’est ouverte qu’aux créances dont le montant est déterminé par le contrat.
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Article 1732 C. civ. : le locataire répond des dégradations, mais le quantum du préjudice reste à évaluer (devis, expertise).
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La créance est donc indemnitaire, non liquide.
3. La décision – un rappel de principe sans nuance
La Cour de cassation casse l’arrêt qui avait validé l’ordonnance :
« Le recouvrement d’une créance réclamée au titre de dégradations locatives, non déterminée en vertu des seules stipulations du contrat de bail, ne peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer. »
Conséquence immédiate : l’ordonnance est anéantie ; l’affaire retourne devant le juge des contentieux de la protection pour un examen contradictoire.
4. Analyse – pourquoi l’injonction échoue systématiquement
Inadaptation structurelle
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Absence de liquidité : le bail ne prévoient ni barème, ni indemnité forfaitaire ; les montants varient selon l’état des lieux et les devis.
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Qualification indemnitaire : tout dommage suppose une évaluation judiciaire ou amiable.
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Contradiction obligatoire : la procédure d’injonction, non contradictoire par nature, est contraire au principe du débat sur le préjudice.